Dis-moi ton ange

Dis-moi ton ange

Ouvrage collectif, illustré,  Publi-Libris, collection Les mots-images,  2005, 180 pages


Je le promène, mon ange, à la hue, à la dia, pour ne pas dire à la diable, sans se soucier de son repos, donc du mien.

Gil Pidoux, dans Dis-moi ton ange, «Un drôle de quidam », p. 37.

 

Il s’agit d’un « ouvrage provoqué », selon les termes de Gil Pidoux. Olivier Föllmi, animateur de la Galerie du Jorat, à Mézières, souhaitait un « autre regard » sur les objets exposés, dont des représentations d’anges. Il s’adressa à Michel Poletti, lequel invita Gil Pidoux à préfacer cette création collective et à rédiger une contribution. 

Dis-moi ton ange a une double particularité. Cet ouvrage rassemble des auteur(e)s de Suisse romande, sous l'égide de Gil Pidoux. Chaque texte est traité librement par chaque contributeur, selon l'idée qu'il se fait de « son » ange. Le thème pourrait être édifiant : son traitement, selon l'inspiration des unes, des uns et des autres, est savoureux.
Deuxième particularité : cet ouvrage collectif est illustré par des représentations d'anges :peintures, sculptures, objets d'arts ou de décoration. La Galerie du Jorat, avec Olivier Föllmy,  à Mézières a participé à la collecte des objets et de la documentation.
Gil Pidoux, dans la préface, exprime le souhait que tous les anges soient évoqués. Depuis ceux qui portent majuscule (« l'Enchanteur « ) jusqu'à celui « qu'on ne connaît pas ». Il ne boude pas, pour autant, le « bibelot ». Il suggère de traiter
L'Ange en son inouïe simplicité pour l'émotion, pour la curiosité. Pour retrouver, en nous, la part secrète, la part intacte de l'innocence. Alors, maintenant, à ton tour : dis-moi ton ange.
(Préface, page VIII).
Dans sa contribution personnelle, l'ange de Gil Pidoux se nomme Hurluberlu. Ce qui laisse supposer que l'auteur (il est alors âgé de 67 ans) n'est vraisemblablement pas saisi de mysticisme.  Le petit-fils de pasteur soliloque ainsi sur « Un drôle de quidam » :
 A supposer qu'un ange me protège, ce qu'il m'est arrivé de croire, parfois – aujourd'hui, à l'instant d'en dresser le portrait, je ne sais plus – ce doit être (...) un drôle de zigoto.
Gil Pidoux fait ici certainement allusion à son éducation  protestante.  Son humour – ou sa distance – sur les relations avec « son » ange ne se confondent pas avec de l'indifférence face à la vie spirituelle. En 1965 il a écrit une Nativité, publiée avec des moyens artisanaux. Il en résultat plus tard  un disque, enregistré par Olivier Buttex, pasteur et fondateur de la maison de production VDE-Gallo. Le texte de Gil Pidoux évoque, notamment,  « L'Etoile », « Le Désert », « L'Ange »,  « La Paille » et « L'Enfant », bien sûr.. Olivier Buttex, lors de la réédition du disque (en 1982) note ceci : « Malgré le peu de succès commercial de ce très beau disque (...) j'ai souhaité rééditer cet enregistrement en CD. En effet, rarement texte poétique de Noël ne m'a paru aussi nourri de la sève de l'Evangile, étant à l'écriture ce que les tableaux de Rembrandt sont à la peinture ou les cantates de Bach à la musique ».
Gil Pidoux, dans cette Nativité de 1965, évoque, bien entendu, l'Ange de l'Annonciation. Mais il s'interroge sur l'accueil réservé à l'Ange par les « endormis, les recroquevillés sur la vie » : « Ne l'ont-ils point pris pour un couche-tard, compagnon en goguette qui s'essaie à souffler sa lampe et n'y parvient pas, et qui brait en vacillant comme un âne têtu ? »
En 2005, son ange anticonformiste refait surface. Gil Pidoux,  le campe, son ange, une fois nommé, une fois personnifié, en  Hurluberlu. Il porte « pulls de grosse laine aux coudes démaillés ». L'ange n'est pas explicitement son double, ni son gardien, mais ils voisinent, ils cohabitent, aussi bien que possible. Nous avons lu que Gil  le promenait aussi, à la hue, à la dia. Sans se soucier de son repos, que ce soit celui de l'ange ou le sien.
Gil Pidoux fait ici allusion à sa conception du travail artistique. Le mot de « retraite » est incongru dans sa situation. Les piliers de la prévoyance professionnelle lui sont étrangers; il est donc contraint de poursuivre ses activités. Mais  cet aspect financier n'explique pas cette absence de souci de repos. Pour lui, créer est une nécessité.  Il ne  cesse d'imaginer, de réaliser, de projeter. Quand il ne joue pas sur une scène, il écrit, il peint. Quand il a écrit (ou peint)  une partie de la nuit, il reprend la route de jour, comme si de rien n'était.